La litanie du verre ou la danse des bouteilles
Déjà trois semaines que j'ai retrouvé la chaude ambiance de la verrerie de
Graville. Mon boulot consiste à se poser sur une chaise, attendre l'arrivée des
bouteilles (plusieurs milliers) et à écarter du lot destiné au client toutes
celles estimées défectueuses. Ne dites rien, je sais que vous m'enviez. L'unique
et seule difficulté est de ne pas fermer les yeux, encore moins de dormir d'un sommeil profond. Pour ma part, j'ai déjà été surpris quatre fois mais comme je suis
l'élément pivot du dispositif : je suis invirable !
La lunette, c'est ainsi que l'on nomme ce poste, dure 30 minutes (1 heure
dans votre espace temps). Passé ce délais, votre collègue (sympa, chiant, beauf :
c'est selon) vient vous remplacez et, HOP, les places sont interverties. Les
gens doivent se dire que vu le premier poste, le second doit être plus enviable.
Si peu Madame la Baronne, si peu. Là, au bout de la chaîne, il suffit d'appuyer
sur deux boutons et de placer un carton ou une plaque thermoformée afin de
constituer des piles de bouteilles, convoyées ensuite automatiquement.
Passionnant, non ? Non.
D'abord car le quart dure pas loin de huit heures (donc le double en heures
terrestres, verstanden ?) avec des horaires tarabiscottés du style 5h00/13h00
(donc normal que je dorme au boulot avec 3h00 de sommeil dans les pattes: état
réflexe de légitime défense).
Ensuite car il faut ajouter à cela une atmosphère made in beauf et c'est là
qu'on s'aperçoit que huit heures, c'est très long. Le mieux reste
donc d'éviter le second degré (donc non, je ne suis pas homo. Euh, excusez moi,
on dit plutôt pd ou pédale dans le secteur), de faire profil bas et de s'exclafer aux
blagues bien lourdes de vos collègues.
"Elle est bonne, hein Antoine ? Dis, elle est bonne ?" (coups de coude dans
les côtes et rire gras, en parlant généralement d'un membre de la gente féminine)
Reste malgré tout que cela reste une expérience intéressante sur le monde
du travail en usine. On peut par la suite plus se permettre de critiquer le
système comme Michel Sardou par exemple.
ps: en sus de tout cela, le 22 juillet est à marquer d'une putain de
pierre blanche. Un clou de 5 centimètres est venu se ficher dans ma roue
arrière en plein milieu du chemin. A croire que la verrerie voulait
définitivement me retenir...