Copland
Il y a quelques temps déjà le sieur K m'invita à visionner Copland (film de James Mangold) avec Sylvester Stallone dans un des rôles principaux. Bien qu'étant assuré de voir un film correct (d'après ses dires), j'avais encore du mal à me détacher de l'image d'un Rambo qui, dents serrés et bandeau rouge noué au front, aidé d'une mitrailleuse lourde parvenait à remettre en question la présence soviétique en Afghanistan. Et ce à lui seul bien sûr. Car plus encore que Schwarzenegger, Stallone aura été et restera à ce jour le fer de lance du cinéma US des années 80. Un représentant que l'on peut également appréhender sous un aspect plus politique (http://www.cadrage.net/films/rocky.htm). Souvent loués, même Rocky I ou Rambo I étaient à mon goût trop caricaturaux. Voilà ce que à quoi pouvait prétendre Stallone : être le faire-valoir d'une certaine partie de l'Amérique à Hollywood.
Or, Copland arriva à point nommé. Non pas pour infirmer mes précédents propos mais plutôt pour illustrer le fait qu'entre les mains d'un réalisateur un brin plus talentueux, Stallone pouvait prétendre à figurer au générique de quelque chose d'honnête. Schwarzy, pour trancher avec le reste de sa filmographie, avait choisi de camper un personnage plutôt comique dans un True Lies qui revisitait de manière ironique et décalée le film typique d'action. Là où l'on peut louer la performance de Stallone, c'est qu'il s'attacha à interpréter (l'antithèse étant un terme un peu fort) un rôle très éloigné de ce à quoi il se résumait autrefois.
L'histoire a pour cadre principal la petite ville de Garrisson dans le New-Jersey, à côté de New-York, de l'autre côté du Washington Bridge. Cette bourgade, sous des dehors assez paisibles, va se révéler petit à petit plus tordue, plus secrète, plus malsaine. Car Garrisson n'est constituée que d'une population exerçant la fonction de policiers. Personnes qui ont décidées de s'installer à proximité d'une mégalopole qui est leur source de revenus (licites et on le saura plus tard illicites), mais également désireux de s'y soustraire le reste du temps en allant vivre dans une cité qui leur est réservée par leur statut. Ainsi, Garrisson nous fait penser à ces Gated Communities fleurissant et aux USA, et de plus en plus dans le reste du monde. Ray (Harvey Keitel) en est le patriarche, le bienfaiteur. Grâce à lui, tous les arrivants bénéficient de conditions alléchantes, la plus importante étant les prêts à taux 0.
Au milieu de ce beau monde, on trouve Freddy (Stallone). Freddy est le shérif de Garrisson, ce qui n'a rien de très glorieux. Les querelles de voisinage, les chiens écrasés, les sacs poubelles qui traînent constituent son quotidien. En cela, il se fait marcher perpétuellement sur les pieds par une population le considérant comme un flic de seconde zone puisqu'inapte au service à New-York. Freddy a bien eu son heure de gloire, ce qui lui a valu son boulot. Plus jeune, il a sauvé de la noyade une femme, qui malgré tout a préféré se marier avec un autre. Qui plus est ce sauvetage l'a rendu sourd d'une oreille. Il ne sera donc jamais policier de l'autre côté de la frontière, du pont. Durant les deux premiers tiers du film, Stallone fait figure de simplet bedonnant du village dont tout le monde se fout. Affublé d'un sparadrap sur le nez, ce qui le rend d'autant plus ridicule, il passe son temps à s'excuser, préférant une solution facile à un conflit ouvert. Il n'a qu'un ami: Friggsy (Ray Liotta), un flic désabusé.
Grosso-modo, De Niro résume le mieux la situation: "Tous en uniforme, tous armés, tous voisins, leurs femmes doivent s'emprunter le sucre. Vous êtes le shérif de Flic-Ville." Plus le film avance, plus Garrisson, Ray et ses sujets s'apparentent à une mafia que rien ne doit venir troubler. Tout dérape avec l'affaire Superboy. Derrière ce surnom se cache un jeune promu de la police, qui au nom de la légitime défense, abat deux noirs un peu camés et sombre dans la belle bavure. La tactique élaborée par Ray and Co débutera par le maquillage de preuves. Elle se poursuivra par le soustrait de Superboy à la justice et se terminera par l'élimination pure et simple de ce dernier. Si tout le monde n'est pas au courant, tous se serrent les coudes et personne n'ira parler à un inspecteur qui fouine d'un peu trop près (Moe Tilden/ De Niro). On saura ensuite que Ray a obtenu de la mafia des taux sans intérêts en échange d'un contrôle par l'organisation du crime d'une partie des affaires concernant le 37ème commissariat (drogues notamment). Garrisson se voit donc régie de manière indirecte par les truands (flics et mafieux).
Freddy l'innocent va se déniaiser petit à petit, en passant du stade d'admirateur de la sacro-sainte confrérie policière new-yorkaise à celui d'homme plus intègre, prenant conscience d'une infériorité subie et choisie. Les dernières 20 minutes lui assurent un second souffle où, qui sait, il fait pour la première fois usage de son arme après une scène où Stallone, à ma grande surprise m'a ému.
Voilà donc un film qui sans révolutionner apporte beaucoup: H.G Wells cité par un des protagonistes, un rôle à contre-emploi, pas de temps morts, pas de gros plan sur la bannière étoilée (mis à part à un instant sur la fin), pas de musique niaiseuse sans arrêt et somme toute un scénario qui tient assez la route. Avec Stallone, on n'en demandait pas tant.