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Omsk, petit quidam ne faisant pas de vagues.
12 mars 2008

De l'évitement d'une tuerie

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Désireux de marquer une pause d'avec les articles illustrant une frange du totalitarisme (pour me reposer ainsi que mon lectorat), me voici prêt à illustrer un épisode de ma vie actuelle : la collocation. Ma pensée reflète ici les sentiments que j'éprouvais vis à vis de mes charmantes camarades de classe, il y a de cela un mois et demi à tout casser. J'ose espérer que les gens de passage verront dans cette courte diatribe une part de second degré. Le fond restant néanmoins vrai et revendiqué, ce encore aujourd'hui.

Voulant poursuivre mes études ailleurs qu'au Havre (ce qui s'avéra profitable et nécessaire à plus d'un titre), je décidais de m'installer à Rennes. Le côté capitale de province d'une ville, à la fois vivante et intéressante, assez riche artistiquement et culturellement, m'a indéniablement attiré. Et la Bretagne, sans tomber dans le cliché, est une région que j'affectionne tout particulièrement. Alors pourquoi se priver ? Autant profiter de ce côté agréable et mobile que confèrent les études supérieures. Se posa naturellement le problème du logement. Et c'est là que ça c'est gâté.

N'ayant envie ni d'une chambre universitaire de 9 mètres carrés et ne pouvant m'offrir un appartement, je jetais mon dévolu sur la solution intermédiaire : la coloc'. Coup de pot, malgré des démarches tardives et quelques essais infructueux, je réussis assez vite à dégotter un appartement proche de la fac et du métro. J'avais pu voir l'immobilier de près à trois reprises auparavant.

Annonce la plus symbolique : collocation à 300 euros rue Le Bastard, cette dernière se situant en plein centre et constituant une des artères les plus commerçantes de la ville. Ça paraissait un peut trop beau pour être entièrement vrai. A se demander si y'avait pas un cadavre dans l'armoire, des cafards géants ou des détraqués sexuels comme compagnons d'aventure. Et effectivement, Bibi n'a pas été déçu du voyage. Mes aïeux, quelle histoire ! Monsieur Dos (le propriétaire, consonance étrangère) n'était vraiment pas maître dans l'art de louer son bien. Ah ça oui, le centre est tout a fait charmant  vu de l'extérieur ma bonne dame. Mais passées certaines portes d'immeubles, le verni commence à craquer. Le logement en lui-même était ancien mais pas rénové. Très grand mais pas meublé. Pas meublé, ça veut dire pas de frigo et encore moins de machine à laver, ni même d'éviers et de plaques chauffantes.

Alors se creuser le ciboulot dès le départ pour se demander qui paie quoi... Quand on ne connaît pas les autres, on commence plus fort ! J'ai pas osé toucher aux robinets de peur que rien n'en sorte... S'il n'y avait eu que ça. Car Dos en plus d'être complètement largué, laissait toutes prérogatives à une petite pouffe de 18 balais (en première année de droit, merci du cadeau) qui non contente d'avoir flairé le filon, s'était déjà arrogée une chambre (la plus grande et la mieux placée) et une autre pour une copine (absente). Le tout sans rien avoir signé mais en se comportant comme maîtresse de maison. Et moi ? Ah toi, euh, y'a bien un placard derrière la cuisine. Les quelques remontées à la surface de Dos n'ont fait que précipiter les choses. Peut être afin de faire jouer la sensibilité du chaland, l'homme nous a entretenu du fait qu'il s'occupait de sa mère handicapée. QUOI ! Alors, ça passe plus du tout, je donne pas mon fric aux assistés. Et ce n'est pas non plus en confiant qu'il ne valait mieux pas se débarrasser de ses mégots dans la cage d'escalier (pour éviter les risques d'incendie, sait-on jamais ?) qu'il pouvait espérer me retenir.

Hormis ce petit incident et quelques autres, à l'orée de la mi-août, j'avais un pied-à-terre rennais. A cette époque, je n'avais rencontré que la fille des propriétaires, qui avait l'air assez sympa. Suffisamment pour signer. Les choses ont très vite changé par la suite. De ma faute ?! Je crois pas non, j'ai même réinventé le concept de tolérance et de respect d'autrui. Bref, deux mois plus tard quand tout le monde fut là, quand mes habitudes se virent contrariées, bousculées, violées (c'est aux autres de se mettre à mon niveau, pas l'inverse), quand donc j'ai appréhendé la situation dans sa globalité comme inamovible et foncièrement chiante, j'ai commencé à tirer la tronche. Je me suis transformé en petit vieux de 22 ans. J'avais déjà des réflexes quand à la vie en communauté mais c'est en sortant du contexte familial que j'en ai pris conscience. Et de quelle façon ! C'est là tout l'intérêt et le danger de la collocation : faire cohabiter dans un espace réduit des individus que parfois beaucoup de choses opposent. C'est mon cas pour le moment et si je peux être imbuvable, je suis parfois tout aussi fermé au dialogue et aux justifications.

Même si ce type de fonctionnement pourrait marcher si j'en modifiais les composantes, en l'état actuel des choses ça ne sera jamais parfait. Je ne peux pas me départir de mes jugements, de mon mépris. Si c'est un travail à faire, je n'y suis pas encore disposé. Mais laissez moi vous présenter mes colocataires, que vous puissiez y voir plus clair.

Je partage mon territoire avec trois filles. Je vous arrête tout de suite, c'est loin d'être une chance. En premier lieu, elles sont casées (j'ai parfois envie de dire mariées), secundo je suis un piètre dragueur et qu'au final elles ne m'intéressent que peu physiquement, intellectuellement et culturellement. Se retrouver uniquement entouré du sexe opposé, en extrême minorité avec des sujets qui défrisent et emmerdent (t'as pas fait les soldes ?) comme c'est pas permis, je m'en serai très bien passé. Même quand il m'est arrivé, dans un excès de bonté et de sociabilité, de vouloir débattre (merde, un gros mot) ou juste discuter, la chose s'avéra vite difficile. Mes comparses sont exclusivement de la race des babos, qui en cas de surdose peut s'avérer une bien belle tare.

- Marie (fille des proprios, 20 ans, L1 de psycho): "Je suis une colocataire comme les autres".

Bon d'accord, j'ai un tout petit peu pris la plus grande chambre, celle qui totalise, avec le balcon attenant, entre un tiers et la moitié de l'appartement. On va pas faire un plat, je suis comme vous. On est pareils ! Reste au moins que c'est la moins faux-derche des trois. Si j'aime pas qu'on me fasse des griefs concernant le ménage (je suis entouré de trois nanas, je vois pas où est le problème ?), elle a au moins le mérite de le dire, ce qui s'avère chiant sur le coup mais bien moins tordu qu'un silence bilieux. Il n'empêche qu'au cours d'une discussion désamorçant la situation, je me suis parfois retenu de gueuler. Car si elle avait emmagasiné tout les reproches à faire, j'aurai pu pratiquer l'escalade (Marie pisse plus bruyamment qu'un mec à 2h00 du mat'/ Marie arrache les portes quand elle les ouvre à l'aurore).

C'est cependant sur les tâches ménagères qu'elle m'a le plus gonflé. Du style : tu fais rien ici, tu faisais rien chez toi, ton père met les pieds sous la table et ta mère trime en plus du boulot. Épargne moi la carte féministe radasse ! Comme si mes parents, dès le plus jeune âge, m'avaient inculqué les vertus du poil dans la main. Tu seras un feignant, mon fils. Faut pas déconner. A ce niveau, on n'explique pas mon comportement par la socialisation familiale. Je suis un autodidacte en la matière. Est ce que je l'ai dérangée avec son mec qui se vidait bruyamment les bronches dans la douche tous les quatre matins ? J'aurai pu. Ma chambre est à côté.

Oui, vous saurez tout. Une chose vous situe aussi l'ambiance générale. Marie, ton but 2007-2008 : un an de filière bouche-trou (psycho pour ceux qui suivent) afin de mieux intégrer une école en Belgique. Après avoir plantée son semestre, Lady Mary s'est finalement rendue compte que cette année ne servait à rien, qu'elle se devait de tout recommencer dans ce plat pays. Manque de bol, mistinguette. 1 an et demi de pommé (elle en a pas foutu plus après le bac).  Mais ce n'est rien à côté de la hippie à retardement qu'est sa copine et consœur Oanell (c'est un prénom).

- Oanell (19 ans, L1 audiovisuel) :"Parfois, j'ai honte d'être blanche".

Blanche Oanell l'est. Conne comme un cul aussi. On s'en rend compte très vite, cette phrase est profonde de sens. Quand elle allait encore en cours (elle aussi a arrêté, elle aussi est une erreur sociétale), nous la trouvâmes toute dépitée la gourdasse. Ah elle savait bien qu'il existait, par delà les mers, une contrée (imaginaire ?) ou des gens soufflaient dans des troncs d'arbre ! Mais qu'il fussent en grande partie exterminés par le grand méchant homme blanc, alors ça jamais !

Dans quel monde vivons-nous si l'homme tue son semblable ? Dieu n'est-il pas Amour ? Frangin, tire un peu sur le bédot et installe-toi autour du feu. Rions, dansons avec nos amis les papillons. Que c'est bucolique tout ça. J'imagine que lorsque Oanell a vu la mère de Bambi se faire descendre, elle est tombée dans les pommes. Bref, cette fille là est une caricature ambulante, extirpée mentalement et vestimentairement des années 70. Elle aurait pu y rester. Marche arrière ma poule, tu t'es trompée de décennie. Oh, elle ferait pas de mal à une mouche. Trop débilos pour ça. Et devant ce triste spectacle, je suis censé faire quoi ? Me gondoler ? La jeter du 3ème ? Et bien non captain ! Devant un tel monument, on reste fixe. Au garde-à-vous, nom de Dieu !

Alors OK, j'avais bien eu droit avant à un assez joli "Jack Lang, il est ministre au gouvernement ?", mais une perle de cette ampleur jamais ! Oanell c'est l'archétype de la nana sympa mais perdue dans sa bulle, qu'on imagine sans peine fumer des pétards en écoutant de la variétoche française (quand ce n'est pas un trio péruvien à flûte de pan, faut le faire) se voulant contestataire, en se disant que le monde est BEAU. 10 minutes après sa découverte australienne, elle devait se voir happée par un oiseau poète qui passait au large de sa fenêtre. Désormais même sa façon de rire m'horripile. J'attends le prochain numéro avec une impatience non feinte : Oanell à Auschwitz... Une relecture de l'univers concentrationnaire garantie ! Le négationnisme a trouvé sa Jeanne d'Arc. Toi aussi raclure de bidet, j'accrocherai ta peau au mur.

Chloé (19 ans, L1 Histoire) : "Oh, Pompon !"

Des trois, c'est avec elle que j'ai eu le plus de mal à communiquer. Pas que je parle philosophie avec le ramassis de crottes d'à côté non plus. Au moins, elle ne se forçait pas à discuter et un silence pesant est préférable à une conversation type Oanell-les p'tits oiseaux-cui-cui. J'ai quelque peu brisé la glace et je ne regrette rien : elle est plus cultivée historiquement et politiquement ce qui, au regard du panel vu plus haut, ne relève pas des 12 travaux. On allait pas faire la fine bouche ! A la coloc', devant le médiocre on s'ébahit.

Concernant l' histoire avec son ami, c'est plus épineux. Chloé (comme Marie) voit son copain crécher à l'appartement un soir sur deux (j'ai du bol, elle se tire chez ses vieux le weekend). Je suis pas intolérant (ça se saurait) mais à voir des couples aussi fusionnels, toujours l'un sur l'autre, on en vient à s'interroger sur leurs motivations résidentielles (surtout quand le copain est lui aussi en coloc'). Mal foutu, non ? Oui ma chambre est mitoyenne de la sienne. Et oui, j'ai acheté un fusil de chasse et apprends à m'en servir. Je vous passe les galipettes du soir, dont la fréquence tend enfin à diminuer. J'ai des registres à jour. Si au moins son pote pouvait la battre ou l'insulter pendant leurs ébats... Ajoutons pour le bouquet final, le crépuscule des Dieux (Gott und Himmel !), le ton geignard presque pleurnichard qu'elle emploie quand elle s'adresse à lui. Et cette manie qu'elle a de l'appeler systématiquement par son prénom (infantilise moi, j'aime ça) quand ce n'est pas par le surnom : Pompon ! Je me marre !!!

Je me marre, c'est vite dit. Un peu plus et je vais vraiment devoir faire le ménage à coups de pioche...

"I wanna be a poulet ! [...] Pour gun-shot dans la foule ! [...] Réduire au riot-gun tous les fumeurs de joints ! [...] Détruire au P-38 les voyous, les putains !

Ludwig von 88.

[La présente image, servant tout naturellement à illustrer l'article, reflète ce à quoi devrait tendre cet exercice de style qu'on appelle collocation. Votre serviteur, après avoir sauvagement bouffé la tronche de Dame Oanell, devenue par trop insupportable, savate joyeusement celle de Chloé. Au moins, elle aura une raison de gueuler, et ailleurs que dans son plumard !  A noter que l'appartement est très justement symbolisé par une cage en métal]

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Commentaires
S
Très bon article, sans les connaitre elles énervent déja. Le must, serait que t'appelles le mec de Chloé Ponpon aussi et que tu remontes Oanell contre Marie (contestataire, elle va bien commencer par s'occuper des privilèges de la miss). Ou comment avoir un Reservoir Dog à la maison.<br /> /popcorn
O
Ravi que ça vous plaise. Apparemment, certains n'arrivent pas à mettre de commentaire, la plate-forme semble déconner. Si ça bloque, envoyez-les moi par mail, je ferai suivre.
S
bon! il semblerait que mon commentaire ne soit pas passé, tant pis! juste pour dire que cet article est definitivement très drôle, plus encore que dans sa version antérieure (mais c'etait aussi le but, non ?)
R
" Une fois, lors de ma première année à Harvard, une jeune fille, une étudiante que j'avais rencontrée dans un bar de Cambridge, m'avait dit que la vie était "pleine de possibilités infinies". J'avais bravement essayé de ne pas m'étouffer avec les noisettes que je grignotais, tandis qu'elle proférait cette scorie de la sagesse populaire, et les avait calmement fait glisser avec le reste de ma Heineken, souriant, le regard fixé sur la partie de fléchettes qui se déroulait dans un coin de la salle. Inutile de dire qu'elle n'avait pas eu l'occasion de passer en seconde année. Ce même hiver, on la découvrait flottant sur Charles River, décapitée, la tête accrochée à un arbre sur la berge, cheveux noués à une branche basse, à quatre kilomètres de là."<br /> <br /> Bret Easton Ellis, American Psycho<br /> <br /> Qu'ajouter à ce passage magnifique et si parlant ?
E
Foutriquet ! Magnifique moment de haine, j'applaudis des deux fesses.
Omsk, petit quidam ne faisant pas de vagues.
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