Les tribulations de deux Fenchies en Hongrie
Bueno, bueno, bueno. Etant d'un tempéramment oisif, nonchalent voire carrément
de bon gros glandeur, il fallait malgré tout sortir d'une torpeur un poil trop
pesante pour pondre un p'tit truc sur cette parenthèse déjà lointaine mais
toujours aussi vivace dans mon esprit que fut le séjour à Budapest. Cet article
intéressera, en dehors de ma personne comme de bien entendu, l'ami qui a eu le
courage de m'accompagner (et de me supporter) et les amoureux des voyages,
pour le coup à l'est de Vienne. Les autres, circulez, y'a rien à voir...
Petite précision, quand j'entends le mot voyage, il résonne forcément avec
peu d'organisation, le sac au dos, le minimum d'originalité de la destination,
la culture... Alors là encore, j'excommunie d'office une frange de lecteurs plutôt abonnée
à un séjour tout compris d'une semaine à Marrakech entre français. Suivez mon
regard...
Petit cours d'histoire/ géo pour les incultes, les ignorants et autres
crétins finis. Le royaume de Hongrie fut une brillante nation, indépendante et
puissante jusqu'au XVIème siècle environ. Les frontières s'étendaient de
l'Adriatique aux marges de l'Ukraine, la cour important sur la fin la
Renaissance venant d'Italie. Malheureusement pour eux, les Maggyars ont été par
la suite sous domination étrangère pendant de longs siècles: domination turque
et ottomane de prime abord puis hasbourgeoise par la suite (les libérateurs se
transformant bien vite en conquérants), domination d'ordre plus idéologique
après la défaite de 1918 : revancho/nostalgico/ autoritaire avec l'amiral Horthy
(qui n'avait pas plus de flotte que le roi du Bouthan), nazie (faut pas être
trop con pour se douter de la période) et communiste jusqu'en 1989. J'instaure
une nuance entre les dominations puisqu'avant 1914/1918, la puissance étrangère
imprimait sa marque physiquement sur le pays, les institutions... Après la
rupture majeure que constitua la première guerre dans l'histoire
mondiale et en l'Europe en particulier, la mainmise se fit plus biaisée, cachée.
Le pouvoir dictatorial / autoritaire s'exerce par des nationaux, eux mêmes guidés par les voisins nazis puis soviétiques. Ces derniers se gardant, sauf
quand le besoin s'en est fait sentir, d'intervenir trop directement avec leurs
gros chars pas discrets pour le coup. Comprendo ?
Bref la Hongrie est démocratique depuis 1989, union-européenne depuis 2004.
Je voudrai juste dissiper quelques bêtises crasses sur la Hongrie et l'Europe
post soviétisée en général. Beaucoup de mes chères compatriotes ont la fâcheuse
habitude de mettre tout ce joli monde dans le même panier. Eh non, un passé
communiste n'arase pas tout. Un polonais n'est pas un hongrois ni un tchèque...
De même ne dîtes pas à un chinois qu'il ressemble à un japonais... Et il n'y a
pas plus d'émeutes en Hongrie qu'en France. Les médias ayant l'habitude de
suréxagérer les faits provoquant la peur de la ménagère. Nous n'y avons vu que
des fins de cortèges bons enfants. Mais autant prêcher dans le désert ou se
mettre à lécher les bottes du Saint Père et de sa clique.
Voilà, petite parenthèse explicative fermée, passons au voyage proprement
dit. Départ un vendredi matin à 8h00 en train. Assez vite, ma veine a repris le
dessus et s'est vue réincarnée en un sale gosse (non mais quel petit con, non de
Dieu mettez des capotes pour ne pas rééditez l'exploit), la bave aux lèvres
et armé d'une peluche aux contours plus que durs. Le malpropre (je me retiens,
je devrai l'affubler du terme de petit enculé) se plaça devant moi et ne trouva
rien d'autre à foutre que de balancer son nounours. Heureusement pour moi, c'est
la vieille peau (qui avait eu le toupet d'exiger la place vacante à mes côtés)
qui dégustait. Je rigole mais sur le coup j'en menais pas large avec l'autre et
son fléau. D'autant que la non ingérence de la mère ("Arrête, tu empêches la
dame de lire.") et l'amusement de Vieille Peau excitait le singe. Y'a que l'ami
R que ça amusait (évidemment, il craignait pas pour son œil). Enfin, s'il
m'avait touché, y'aurait eu de la viande froide accrochée aux murs. Je me vois
bien, debout sur mon siège, le teint rougeaud, me servant de la peluche comme
d'une masse d'arme et m'évertuant à faire taire le mouflet en éructant: TU VAS
LA FERMER TA GUEULE ! Et en plus, y'a pas que moi qu'il a fait chier : c'est
quasiment tout le wagon. La mère en a pris pour son grade avec son enfant-roi. Ça fait du bien, comme si j'avais toujours pas exorcisé l'affaire. Bon après,
c'est la course avec les sacs de randonnée dans la gare puis encore plus fort
dans le métro. Là, c'est R qui en a pris pour son matricule avec un "Attention
au gosse !" alors qu'il effectuait une rotation. Evidemment, faut pas chercher à
parlementer avec ce type de cro-magnon (Holà, jeune indigène). Petit arrêt au
Louvre où les courroies de nos sacs commençaient à s'enfoncer dans nos tissus
graisseux (surtout celles de R qui avaient les siennes renforcées de ferraille).
Force est de constater qu'à Paris la vie est donnée: ils se plaignent tout
le temps les parigauds mais y'a une ambiance de déconnade, Paris Plage et des
jambons-beurre à 6 euros sans le service (Va donc, eh radin). Verdict des
interréssés pour notre mâââââgnifique capitale : à fuir. Vinrent les séquence RER et Roissy. Déjà en retard, il nous a fallu courir de terminaux en
terminaux, de queues en queues, de guichets en guichets (saut de valises,
YAHOOO, 'tention à la petite vieille, LA LAISSE, LA LAISSE...) pour au final
arracher les billets d'un geste rageur et courir vers la douane où l'ami R,
fidèle à ses principes, s'est laissé palper la raie avec de petits cris de
ravissements. Et là surprise dans le zinc, je suis (moi aussi, figurez vous,
j'ai des principes) assis à côté d'une tripotée de gosses. No comment. R, le
veinard, se tape une veille catho intégriste.
Oublions le voyage, monotone au possible, comme le sont en général la
traversée de grands espaces. Arrivée de nuit à Budapest, achat d'un plan de la
ville et au bout d'un moment découverte de l'auberge de jeunesse. Eh oui, bande
de pisseuses, on a trouvé assez facilement au fond. Mais là nouveau problème,
les services secrets britanniques (anglo-saxons en tout cas) ont fait occuper
notre chambre par un agent féminin. R et moi, nous sommes mis en devoir de la
fouiller pour trouver la James Bond Girl mais on a eu beau crever les matelas,
défoncer l'armoire : y'avait pas plus de bombe que de moule dans l'assiette d'un
auvergnat. En fait, on s'est assez vite rendu compte de notre méprise: la fille
existait bien. Une masse gavée au pudding s'était planquée sous ses draps. Rusée
la fille mais à peine sortis, elle s'est précipitée à l'extérieur pour se
plaindre qu'en gros on avait rien à foutre là ("It's not for you boys"). La
pauvre, elle a cru qu'on voulait la violer, avec nos gueules de barbus mal
dégrossis. Euh, faut pas déconner quand même : bien fou ou ivre celui qui voudrait
s'attaquer à un tel morceau. Bref, ils ont fini par nous filer une chambre
double, un peu plus loin au fond du couloir. Don't act.
La visite a duré 6 jours complets mais je ne saurai replacer, mémoire
n'aidant pas, tous les évennements de manière chronologique et purement sensée.
Il ya eu les thermes. S'il ne fallait garder q'une chose, ce serait celle là
même si j'ai conscience de réduire la Hongrie à un de ces plus fameux clichés.
Eau à 37 degrés (les bassins peuvent être chauds, tièdes ou froids pour les
aventuriers), extérieur à 9, fontaines d'eau brûlante, le tout dans un décor turc/
austro hongrois. Coupoles et murs de couleur jaunes surplombant les baigneurs du
haut de leur âge. On peut y rester des heures à s'amollir, véritable ode à la
fainéantise. Après on repart se requinquer dans un salon de thé dont les
hongrois ont le secret. Là où de belles pâtisseries aux corps blancs, graisseux,
presques obscènes attendent derrière le comptoir le regard gourmand des clients.
On s'est d'ailleurs pas privés, le prix nous donnant un sacré coup de pouce.
Côté Pest (Budapest étant la réunion de Buda, Pest et Obuda séparées par le
Danube), l'institution devenue notre point de chute étant Gerbeaud (Gerbeaud, ça
ne vous lâchera pas de sitôt). Décor véritablement somptueux, tellement plaisant
et richement décoré qu'on s'est d'abord demandé si l'entrée nous était
interdite... Niveau boissons, nous n'étions pas en reste: café, cappuccino,
bières gigantesques (Dreher), eau de vie, vin, absinthe également.
Parlons un peu culture (merde, quel raseur). Budapest est une capitale à
taille humaine frôlant les deux milllions d'habitants. Son architecture est très
fortement marquée par l'empire de François Joseph, ne pouvant faire oublier sa
soeur et rivale qu'est Vienne. Dans le mode de vie et dans la pierre, tout nous
y fait (normalement) penser. Bâtiments à colonnades, à coupoles: pas étonnant vu
que la plupart datent de cette époque: Parlement, Château, Avenue Andrassy aux
riches demeures et ambassades... Et tout cela dans un décor rouge, orangé, jaune
d'automne. La nuit cependant tombait ultra rapidement (sur le coup de 5 heures
avec un froid qui réveillait les morts). Quand j'y repense j'aime Budapest pour
tout ce qu'on ne trouve pas à Paris : une certaine bienveillance, un bon art de
vivre, pas trop de morgue (vive le dédain parisien), un coût de la vie abordable
(c'est quand même à relativiser pour les hongrois)... Les musées ont également
été de la partie : musée de la terreur, musée d'art, musée d'histoire nationale,
labyrinthe avec fontaine de vin pour les alcooliques anonymes (c'était pas un
rêve ?)... Restaurants en pagaille, j'en passe et des meilleurs. Voilà ce à quoi
ressemblait une journée avec le métro pour aller et revenir à l'auberge (mais
c'était pas un calvaire pour le prendre).
Note: nous avons rencontré quelques spécimens. Voici une liste à compléter
dans les années à venir :
- Yellow Boy : m'a pris pour un DJ, doit son surnom à sa dentition, plus
jaune encore dans sa partie centrale, avait des problèmes ("I've got big
problems").
- Moment : seul mot qu'il a prononcé, lui laissant le temps de sortir sa
carte d'handicapé (?), surgi de nulle part, ressemblant à Klaus Kinski en bossu
et en plus vieux.
- Le distributeur: (beaucoup de distributeurs de tracts), son truc était
d'impulser un mouvement sec et tendu vers l'entre-jambe du client, le poing muni
dudit tract...
- Le vendeur: apparence normale mais ne communiquant qu'en inclinant sa tête
vers le bas, un peu plus et il nous faisait la révérence.
Malgré tout, il a bien fallu repartir, le sac chargé de présents
(d'alcool !). Même chose mais en sens inverse donc vraiment déprimant (R même
pas palpé malgré ses supplications devant le policier, moi voyageant sans
mouflets comme quoi tout se perd) avec l'apothéose en gare du Havre à minuit.
Là on touchait vraiment au sinistre. Vite, je solde tous mes biens et je
repars. TAÏAUT TAÏAUT !