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Omsk, petit quidam ne faisant pas de vagues.
18 janvier 2007

Violent Cop

vcop3

1989. Inconnu en tant que réalisateur et découvert quelques années plus tôt (par le public occidental) dans Furyo en 1983, Takeshi Kitano signe son premier film. Il y remplace au pied levé Kinji Fukasaku (le père, entre autres, de Battle Royale). Violent Cop ne brille au départ pourtant pas par l'originalité de son scénario.

Azuma (figure centrale jouée par Kitano) est flic. Un flic aux méthodes, certes, parfois expéditives. Azuma ne s'encombre pas de délicatesse et frappe là où ça fait mal. Un camé forcené défonce le crâne de votre collègue avec une batte ? Azuma lui fonce dedans au moyen de sa voiture de service avant de le tabasser au sol. Pourtant, ce flic taciturne n'est ni pire, ni meilleur que ses collègues. Mais lui, à la différence de ces derniers, joue franc-jeu et ne louvoie pas dans l'ombre. D'ailleurs ses méthodes, aussi brutales soient-elles, sont encouragées (ne serait-ce que mentalement) sous le manteau par ses supérieurs. Ainsi au début du film, Azuma est convoqué dans le bureau de son chef suite à un tabassage. Or celui-ci, après quelques remontrances, déclare: "Personnellement, ça ne me déplaît pas". Quelques temps plus tard, toujours dans le bureau, le commissaire exige de simples excuses écrites alors qu'Azuma vient de rouler sur un suspect. D'un ton lasse, le chef déplore que l'interpellation se soit déroulée de façon un peu abusive.

Kikuchi est le subalterne d'Azuma. il s'agit de sa première affectation dans ce commissariat, peut être même de son premier poste au sein de la police. Il ne connaît rien du terrain, fait figure de gentil garçon et réprouve, très naturellement, les méthodes de son supérieur. Mais contrairement à Takeshi, il finira par se laisser corrompre à la fin du film par les Yakuzas. Les deux hommes sont de plus comparés tour à tour en un même lieu. La première fois, c'est Azuma qui traverse un pont de sa démarche si particulière (balancement des bras, raclement des talons sur le sol, visage assez inexpressif) pour se rendre au commissariat. A la fin, c'est à Kikuchi d'en faire de même pour se rendre chez la pègre locale afin d'y toucher son salaire.

Kitano illustre ici de façon très efficace, le remplacement d'une génération de flics par une autre. A celle des anciens, il est vrai violente mais régie par un certain code de l'honneur, du moins un sens du devoir; s'y est superposée celle des jeunes, respectueuse en apparence mais uniquement motivée par l'appât du gain et la survie, au mépris de toute déontologie.

Le troisième, et à mon sens dernier, personnage central est Kiyohiro. C'est le bras droit de Nito (chef des Yakuzas). A bon nombre d'égards il ressemble à Azuma. D'abord, parce que comme le flic, le truand passe outre sa hiérarchie (là encore l'analogie "gentils" / "méchants" est frappante) et n'obéit qu'à lui même et à ses pulsions, de meurtre en l'occurrence. Ses chefs s'offusquent de ses prises de décision mais les révèrent au fond. Dénigrer pour mieux approuver. En premier lieu car elles sont terriblement efficaces, ensuite car les chefs admirent, en un sens, ces hommes qu'ils auraient voulus être. D'ailleurs Azuma et Kiyohiro ne s'y sont pas trompés. Ils se savent du même monde et Azuma ne doit sa place au sein de la police que par piston et pas par réelle motivation. Il aurait pu se trouver aux côtés de Kiyohiro, comme celui-ci aurait pu se trouver aux côtés d'Azuma. La frontière est de toute façon extrêmement ténue entre flics et Yakuzas...

Reste que les deux hommes sont malgré tout ennemis. Ils se vouent une haine réciproque pour des motifs de plus en plus personnels. D'abord dans une logique d'escalade de la violence, Azuma et Kiyohiro ne pourront se départager que dans un duel à mort, afin d'assurer la domination de l'un sur l'autre. Un combat entre deux surhommes, étrangers au reste du monde.

Le film est aisément reconnaissable de par son style. Par exemple, des périodes de violence alternent à des moments plus mélancoliques, tristes ou comiques. La violence est là, elle est sous-jacente mais pas omniprésente (à noter le grand intérêt de la bande originale). Quoiqu'ils fassent les protagonistes y sont soumis et ne peuvent s'y soustraire. Exemple en est avec Azuma qui, une fois mis à pied, retrouve goût à la vie (il visite une galerie d'art, va au cinéma...) mais finira par retomber dans la spirale infernale. Autre marque de fabrique : le jeu minimaliste de Kitano. D'abord au niveau des répliques, il parle peu mais quand il faut (un peu à la manière d'Eastwood durant la période Leone), ensuite au niveau des expressions faciales.

L'acteur / réalisateur a dit à ce sujet: "Dans mes films et ceux des autres, j'essaie en général d'inhiber mes expressions pour que le spectateur, suivant la situation, ressente ses propres émotions à travers mon personnage."

Au final, Violent Cop est un grand film au ton emprunt de fatalité et de tristesse. La population se divise en trois : les victimes, les lâches, les bourreaux. De plus, ne comptons pas ici sur la jeunesse pour apporter un peu de sang neuf. Trois scènes portent à l'écran des jeunes ou des enfants. La scène d'introduction où des ados tabassent à mort un clochard puis quand des gamins de 5 / 6 ans balancent des cannettes sur ceux qui passent sous le pont où ils sont juchés. La troisième les tient en tant que témoins d'une scène violente, violence qu'ils reproduiront par magnétisme une fois adultes. Peut être est ce finalement le cas d'Azuma, qui à la fin, ayant perdu toute raison de vivre (son meilleur ami et son ennemi juré son morts), tue sa sœur : seule personne innocente et désintéressée du film, qui finalement aura été contaminée par la violence et la drogue, ce que son frère ne voulait pas.

Incompris et rejetant le monde qui l'entoure, plus rien ne le retient désormais...

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Commentaires
O
De la part de quelqu'un d'intelligent et de sensé, ça fait toujours plaisir. Je te le prêterai, si tu veux, histoire d'en causer.
S
très bon post, je ne savais pas que tu avais un blog, <br /> Je n'ai pas vu Violent Cop, mais je ne doute pas qu'il s'agisse là d'un grand film, l'univers que tu décrit semble en tout cas s'inscrire dans la droite lignée des oeuvres de Kitano... Je reposterais lorsque j'aurais vu celà...
Omsk, petit quidam ne faisant pas de vagues.
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