Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Omsk, petit quidam ne faisant pas de vagues.
21 janvier 2007

Assaut

john_carpenter18

"Quelqu'un au bureau du personnel a voulu vous filer un boulot un p'tit peu spécial pour votre première nuit." C'est par ces mots que le capitaine Gordon confie à Ethan Bishop, jeune lieutenant noir de la police de Los Angeles, la garde d'un commissariat en fin de vie. Tous les bureaux ont été transférés, ne reste en l'état que les cellules et la chasse d'eau des toilettes. Nuit donc des plus calmes pour le lieutenant pour le coup accompagné de deux femmes : Leigh et Julie, respectivement secrétaire (?) et téléphoniste.

Malheureusement pour eux, il n'en sera rien. Car pendant que tout ce gentil monde discute et boit du café paisiblement, les choses s'accélèrent en ville. La guerre des gangs fait rage, conférant à ses membres une puissance de feu exceptionnelle. Un stock d'armes automatiques, et pas des moindres, a en effet été volé.

La caméra suit au départ le parcours de quatre des hommes du gang à bord d'une voiture noire. Ils ne parlent pas, se contentant juste de viser les passants avec un fusil de précision. Un peu plus loin, un homme et sa fille vont à un rendez-vous, tandis que le marchand de glace, précédé de sa musique aisément reconnaissable, sillonne lui aussi le quartier. Ça y est, la mécanique est en place, bien rodée. Le spectateur s'attend à ce que, d'une minute à l'autre, la situation explose.

Pourquoi ? Carpenter (car c'est bien lui le réalisateur) rend la tension palpable par le biais de petits effets, très simples mais foutrement efficaces. Par exemple, de temps en temps, apparaît en bas, à droite de l'écran, l'heure de la journée (déjà bien entamée, le film débutant à 16 heures 50). Et, bien évidemment, les différents protagonistes ne peuvent se défiler, eux dont le sort est implacablement réglé. Marionnettes desquelles le temps s'amuse et se joue...

De plus, la radio, elle-aussi à intervalles réguliers (de même que les coups de fil ou les communications internes à la police, entre voitures de patrouille) nous renseigne sur l'état des lieux, raison de plus pour s'inquiéter : attaques à main armée, vols, fusillades, meurtres... Enfin (et c'est à mon sens le facteur le plus inquiétant), la ville paraît vide, désertée par ses habitants. Choix logique de Carpenter, qui, au lieu de nous représenter Los Angeles comme une entité grouillante et bruillante, nous la dévoile mangée par le sable et le soleil. Preuve en est, les terrains jouxtant le commissariat sont en friches, où subsistent encore quelques îlots herbeux jaunis et poussiéreux. D'ailleurs, on le saura plus tard, les premières habitations sont à 500 mètres du commissariat de police. Enfin, on note une inquiétante et entêtante bande-son signée... John Carpenter him-self !

Voyons maintenant le déroulement du film. Dans la rue, le marchand de glaces, tourmenté par les incessants va et viens de voiture noire, s'est garé le long d'un trottoir. Idem à quelques encablures avec Papa Gâteau et sa gentille petite fille aux nattes blondes. Cette dernière, suite à l'achat d'une glace, revient sur ses pas réclamer une boule de fraise. Le glacier, gisant à terre et donc bien incapable de la servir, c'est un autre type de friandise que la gamine recevra : une balle de revolver dans le buffet. Suite à la macabre découverte, le père prend en chasse les fuyards car In America, on aime parfois se faire justice soi-même. Il parvient à en tuer un mais, pris de panique, se réfugie au commissariat 13. De chasseur, il devient chassé. De prédateur, il passe à proie. Le bougre, désormais incapable d'aligner trois mots, s'effondre sur un banc, laissant la suite des opérations à Bishop, transformant son monde de calme et de quiétude en véritable enfer. Dans une logique de vengeance, les malfrats locaux vont s'escrimer à réduire le bâtiment, et ceux qui y sont barricadés, en cendres. Le groupe intra-muros fait peine à voir: Bishop ne peut compter, en plus de l'aide des deux femmes, que sur deux prisonniers condamnés à mort: Napoléon Wilson et Wells.

Carpenter ne cache pas qu'Assaut est un remake de Rio Bravo (1959) d'Howard Hawks. On peut également trouver une filiation forte avec le huis clos de 1969 de Romero (où le héros est lui-aussi noir) : La nuit des Morts-Vivants. Thématique simple : comment quelques individus, isolés du monde extérieur, vont-ils surpasser leurs clivages, leurs différences et leurs rivalités contre un danger commun ? Danger qui les soude jusqu'à un certain point, étant, de par sa nature et par ce qu'il représente, souvent révélateur du véritable caractère des individus.

Au niveau historique, force est de constater que les exemples abondent, où la masse telle une ruée, une force irrésistible fut malgré tout contenue par un groupe beaucoup plus restreint : les Thermopyles lors de la seconde guerre médique, Camerone au Mexique, le siège de fort Alamo...

Les forces sont donc disproportionnés, tant au niveau du nombre que de l'équipement. Ainsi, le lieutenant Ethan Bishop ne peut opposer au départ aux assaillants (et à leurs automatiques à silencieux) que son flingue de service à six coups. Finalement, obligé de libérer Napoléon et Wells pour faire face à ce raz de marée, Bishop parviendra à récupérer un fusil à pompe, un autre à lunette et un revolver. Cependant, si le gang dispose d'armes de guerre, sa technique d'attaque semble appartenir à une autre époque. Elle est des plus simples : précéder l'assaut d'une salve nourrie puis pénétrer de tous côtés dans le bâtiment, sans soucis des pertes. Même si les premières vagues sont repoussées, se pose pour Bishop et son équipe le problème des munitions (au milieu du film, restent en tout et pour tout 8 balles de calibres différents). Il est vrai que les pertes du gang sont lourdes mais ils apparaissent de plus en plus nombreux : de trois  ils passent à six puis à une multitude; ombres se cachant derrière le couvert des arbres.

Et qui viendra aider Bishop ? Ne s'agit-il pas d'un commissariat quasi désaffecté ? De plus, les "méchants" s'évertuent à ce que le lieu (la rue, le quartier...) garde une aura de normalité, en utilisant des silencieux et surtout en escamotant les cadavres. Jusqu'au bout, Bishop ne pourra compter que sur ses capacités.

Lors de sa sortie, le film avait subi l'ire de la plupart des critiques, ce qui lui avait valu une interdiction pour les moins de 16 ans (scandale pour l'époque, puisque comme dit plus haut, le réalisateur montre le meurtre de sang-froid d'une petite fille blanche). Malgré un côté un peu vieillot aujourd'hui, le premier film de Carpenter n'en demeure pas moins très bon, d'autant que le budget était extrêmement serré. La force de son propos tient en une sorte d'incapacité, d'impossibilité des individus à se soustraire à leur destin, ni à le contrôler d'ailleurs... Les choses sont latentes, attendant le moindre prétexte pour péter. Certes l'explosion de violence n'est pas la résultante d'un seul facteur. Ce serait bien trop simple. A mon sens, les émeutes de L.A de 1992 illustrent  une continuité, bien réelle celle-là, d'Assaut de Carpenter  (film antérieur de 16 ans à cette bataille rangée). Rodney King, automobiliste noir, est arrêté en état d'ivresse et tabassé par quatre flics (blancs, ça va de soi). La scène, filmée à la différence d'autres, fera le tour du monde. L'acquittement des policiers par le jury (blanc en majorité) met le feu aux poudres à South Central d'abord puis à la majeure partie de la ville ensuite, faisant près de 60 morts et pas loin de 3000 blessés, réduite par l'envoi de milliers de militaires.

Mais parfois, que peut-on attendre d'un pays basant son existence sur un génocide, une culture des armes (deuxième amendement de la Constitution), la ségrégation raciale (sans parler de l'esclavage) dont l'abrogation en 1964 n'a pas véritablement changé les choses, une religiosité à outrance ? Etc, etc...

ps: j'ai lu quelque part que Capenter fait une ultra courte apparition dans le film, en tant que membre du gang escaladant une fenêtre. Si quelqu'un ayant vu Assaut pouvait m'indiquer avec précision l'endroit, ça serait sympatisch.

Publicité
Publicité
Commentaires
Omsk, petit quidam ne faisant pas de vagues.
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité