Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Omsk, petit quidam ne faisant pas de vagues.
18 février 2007

Quand l'envie de tout envoyer chier reprend parfois le dessus...

page_334

A la veille des échéances politiques résumant la France de 2007 (du moins selon la soupe que nous ressassent jours après jours les médias), force m'est d'admettre que j'avais du mal à me situer au sein d'une kyrielle de partis. De gauche ça c'est plus que sûr. Mais qu'est ce que la gauche aujourd'hui, si ce n'est une opposition (d'avec la droite naturellement) héritière de schémas de pensée anciens et ne restant pertinente qu'au niveau des extrêmes ?

Suite à la lecture de trois bouquins, ma vision des choses commence à se dessiner, à s'affiner, même s'il reste encore pas mal de chemin à parcourir avant d'affirmer catégoriquement : voilà ce que je pense. J'espère malgré tout, à travers eux faire passer mes idées et présenter mes opinions. Le premier de ces livres est Hommage à la Catalogne du fameux et plus à présenter George Orwell. Après le putsch de généraux (dont Franco) hostiles à la toute jeune république espagnole et à l'enlisement militaire qui s'ensuivit, le jeune britannique Orwell s'engage avec d'autres dans l'espoir de rejeter à la mer les tentatives de restauration de l'ordre ancien. Il entre au sein du POUM (Parti Ouvrier d'Unification Marxiste), catégorisé plus tard comme étant d'obédience trotskyste par la propagande stalinienne (ce qui était faux, le POUM en désaccord avec Trotsky, était marxiste mais anti-stalinien). En effet face au front uni des monarchistes/fascistes et de leurs auxiliaires nazis et mussoliniens, le Frente Popular présente un ensemble hétéroclite d'idéologies, uniquement lié et motivé par une même haine des nationalistes.

Les partis et centrales syndicales disposent de leurs organes encadrant la jeunesse, de marge de manœuvre et d'armes. On trouve donc en plus du POUM : le PSUC (Partit Socialista Unificat de Catalunya), la CNT (Confederacion  Nacional del Trabajo) anarchiste ainsi que son syndicat la FAI, et enfin le PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol). Joyeux bordel donc, qui se désagrégera au fil des années suite plus à des querelles intestines qu'à la menace réactionnaire et militaire.

De son côté, loin des grands-messes décisionnelles et politiques, Orwell est envoyé sur le font d'Aragon. Le combat "se cantonne" à quelques échanges de tirs, pourtant l'écrivain sera blessé à la gorge par une balle perdue. Eric Arthur Blair (de son vrai nom), ramené à Barcelone, assistera à la condamnation du POUM par le PSOE au motif d'espionnage, voire carrément car étant une organisation pro-fasciste. S'ensuivit une guerre des barricades dans la ville et l'écrasement du POUM par les forces policières gouvernementales. Pourquoi ? Cette union pour la sauvegarde de la République, centrée autour des quatre principaux partis de gauche, n'a pu (ou su) résister à deux visions sociétales. D'un côté le POUM mais surtout la CNT sont pour la Révolution sociale, la collectivisation des terres. De ce fait la guerre a été le meilleur moyen pour eux de mener à bien leurs expérimentations. Quel meilleur moyen que celui là ? Après tout, ils méprisent quasiment autant que les franquistes une République jugée bourgeoise. Leur action est la suite logique des choses. En face, le PSUC et le PSOE, inféodés à Moscou, font de la victoire l'objectif primordial avant la restauration de la République. En ce sens, et comme Franco and Cie, ils peuvent être qualifiés de réactionnaires d'une façon plus atténuée, puisqu'ils expriment l'aspiration à un retour au passé.

Ce sont eux qui imposeront leur ordre et ce par la force. Le POUM éliminé, ils se tournent vers les anarchistes, précipitant les choses et privant le front des troupes nécessaires à un rétablissement militaire. Profondément dégoûté, Orwell gardera toute sa vie un profond ressentiment contre le système stalinien pour qui la fin justifie les moyens, mais aussi pour tous ces gens se disant de gauche, des théoriciens de salon et non des hommes de terrain.

Second livre, autre vision même si nombres de similitudes sont frappantes : La guerre civile russe1917-1922. Armées paysannes, rouges, blanches, vertes. Ouvrage d'historien qui, comme ceux du genre peut être ou intéressant ou au contraire parfaitement chiant et illisible. Là, suite au coup d'État des Bolcheviks (un peu vite qualifiée de Révolution après coup), on assiste encore à une belle foire d'empoigne. Encore une foule de partis : Mencheviks, Bolcheviks, SR, Cadets... Difficile de pas s'y perdre. Mais, phénomène innérant à l'homme, la révolution puis la guerre civile illustrent à merveille la logique de pouvoir, de domination sur l'autre et de récupération des idées. Car Lénine, avec le communisme de guerre et arguant du fait bien réel de la menace pro-monarchiste, a aboli les soviets, arasé le terrain et nettoyé la Russie de son pluralisme, et ce contrairement à un peuple acquis aux conseils où auraient siégées toutes les formations de gauche.

La guerre. Une immense boucherie oui, qui a saignée la Russie, la faisant passer d'un obscur pays quasi féodal propulsé du jour au lendemain sur le devant de la scène mondiale comme phare du socialisme. Une guerre quasi moyennageuse dans des espaces infinis. Aux charges sauvages des cosaques sabrant les fuyards et les prisonniers, s'ajoute un conflit idéologique aux racines séculaires. Les Blancs veulent restaurer l'ordre ancien, que ce soit au niveau du foncier ou du politique. Ils seront soutenus un temps par les Occidentaux, mais cette aide se révèlera assez limitée. Les Rouges ont redistribué la terre, cessé la guerre "impérialiste" et veulent radicalement transformer  la société. Entre  les deux se trouvent les paysans, soit l'immense majorité de la population. Ils sont tiraillés entre ceux qui veulent leur reprendre la propriété et ceux qui saisissent les récoltes pour nourrir Pétrograd et Moscou. Ceux qui arrivent à échapper à la conscription se soulèvent et se groupent en bandes de pillards, secouant de soubresauts la Sibérie jusqu'en 1922 avant d'être réduits. Certains comme Makhno l'ukrainien se déclarant anarchistes autant opposés au pouvoir central qu'à leurs anciens maîtres. Ils défendent des acquis mais aussi une vision paysanne de la vie tout simplement. Ils en ont plus qu'assez d'être saignés par les citadins lors de réquisitions toujours plus sévères, des citadins centralisateurs et à des lieux de leurs aspirations.

Mais les Bolcheviks finiront par gagner les paysans qui rejoindront le mouvement plus par haine viscérale des Blancs que par réel assentiment. Tous les principaux protagonistes sont là. Lénine se débat avec l'Assemblée Consultative, peu à peu réduite au silence. Trotsky, commissaire à la guerre et réorganisateur de l'armée Rouge, sillonne le pays allant de batailles critiques en villes assiégées à bord de son train blindé. Staline enfin, essaye (c'était un piètre stratège) avec Djerzinski (fondateur de la Tchéka, première police politique du régime) de défendre la ville de Tsarytsine (future Volgograd) tout en éliminant ses concurrents directs.

Terminons par le théoricien anarchiste par excellence : Bakounine. Pour une fois, une citation plutôt qu'un long discours, cette phrase étant en adéquation totale avec le fond de ma pensée.

"La Bible est un livre très intéressant et parfois très profond, lorsqu'on le considère comme l'une des plus anciennes manifestations, parvenues jusqu'à nous, de la sagesse et de la fantaisie humaines, exprime cette vérité d'une manière fort naïve dans son mythe du pêché originel. Jéhovah, qui, de tous les dieux qui ont jamais été adoré par les hommes, est certainement le plus jaloux, le plus vaniteux, le plus féroce, le plus injuste, le plus sanguinaire, le plus despote et le plus ennemi de la dignité et de la liberté humaines, ayant crée Adam et Ève, par on ne sait quel caprice, sans doute pour tromper son ennui qui doit être terrible dans son éternellement égoïste solitude, ou pour se donner des esclaves nouveaux, avait mis généreusement à leur disposition toute la Terre, avec tous les fruits et tous les animaux de la Terre, et il n'avait posé à cette complète jouissance qu'une seule limite. Il leur avait expressément défendu de toucher aux fruits de l'arbre de la science. Il voulait donc que l'Homme, privé de toute conscience de lui-même, restât une bête, toujours à quatre pattes, devant le Dieu éternel, son Créateur et son Maître. Mais voici que vient Satan, l'éternel révolté, le premier libre penseur et l'émancipateur des mondes. Il fait honte à l'Homme de son ignorance et de son obéissance bestiales; il l'émancipe et imprime sur son front le sceau de la liberté et de l'humanité en le poussant à désobéir et à manger du fruit de la science."

Ainsi Bakounine, cet enragé aux idées profondément sincères et progressistes nous présente tout ce qui à ses yeux maintient l'humanité dans sa crasse et sa merde, quand les puissants, les marchands de canons et autres missionnaires lui maintiennent la tête sous l'eau. D'un Satan honnis et présenté pendant des siècles comme barbare et décadent, il en fait le premier anarchiste, un anarchiste originel qui crache sa haine à la face d'un Dieu, non pas bon et bienveillant mais cupide, omnipotent et profondément dégueulasse, se cachant derrière une attitude de bonhomie malsaine pour mieux enfler les crédules. Cette divinité manichéenne symbolise la Religion autant que l'État, l'un allant avec l'autre. Par extension l'État, c'est l'asservissement du peuple, l'entrave à sa liberté et ses déplacements. L'Église apostolique, catholique et romaine s'est donc arrogée un pouvoir et une domination monopolistique. Au peuple de rester face contre terre, de flatter les seigneurs et de tendre le bâton pour se faire battre. C'est l'ignorance la plus noire qui maintiendra la majorité dans les bas fonds et la minorité hautaine à des années lumières de là. L'appareil religieux et / ou gouvernemental est là pour y veiller, parfois et se faisant plus durablement par des schémas de pensée simplificateurs et réducteurs, de l'exemple qu'en a donné le catholicisme : avoir une vie minable pour gagner le royaume céleste. Bakounine balaie tout cela du revers de la main et tape bien plus sur tout type d'appareil administratif érigé en précepte pour faire taire des voix jugés trop discordantes, que véritablement sur la spiritualité religieuse et surtout personnelle. La force de Bakounine est comme bien des choses, à chercher dans son actualité. Pour finir, laissons la parole aux Béru, eux aussi anars en un sens...

"Makhnovtchina, Makhnovtchina.
Tes drapeaux sont noirs dans le vent,
Ils sont noirs de nos peines,
Ils sont rouges de notre sang,
ILS SONT NOIRS DE NOS PEINES,
ILS SONT ROUGES DE NOTRE SANG !

Par les monts et par les plaines.
Dans la neige et dans le vent,
A travers toute l'Ukraine,
Se levaient nos partisans,
A TRAVERS TOUTE L'UKRAINE
SE LEVAIENT NOS PARTISANS !

 Hey ! Hey ! Hey ! Hey ! Hey !

 Makhnovtchina, Makhnovtchina.
Armée noire de nos partisans.
Qui combattez en Ukraine
Contre les Rouges et les Blancs,
QUI COMBATTEZ EN UKRAINE
CONTRE LES ROUGES ET LES BLANCS !

Makhnovtchina, Maknovtchina.
Ceci est ton testament,
Tu voulais chasser d'Ukraine
A jamais tous les tyrans.
TU VOULAIS CHASSER D'UKRAINE
A JAMAIS TOUS LES TYRANS !

Hey ! Hey ! Hey ! Hey ! Hey !

Que ce soit l'armée Rouge,
Les flics de Pretoria,
Malgré le sang qui coule,
Rien ne l'arrêtera
A travers ta toundra,
Rien ne l'arrêtera.
C'est la Makhnovtchina,
Rien ne l'arrêtera,
RIEN NE L'ARRÊTERA
!"

Publicité
Publicité
Commentaires
S
Je te trouve bien courageux de répondre a ce genre de commentaires qui chient dans la colle.<br /> <br /> Tout ce qui a été dit dans ce commentaire tient du tissu de connerie qui me fait plus rire qu'autre chose. Quelques phrases stupides qui simplifient l'histoire au point de zapper fondamentalement de son raisonnement ET les démocraties antiques ET l'Inquisition obscurantiste ET les dérives papales. J'espère a ce titre que monsieur a au moins la décence d'être protestant, ce qui néanmoins rendrait tout aussi amusante sa référence a Chateaubriand.<br /> <br /> Et merde, d'ailleurs mon commentaire l'atteste, répondre a ce genre de propos a surtout tendance a abaisser considérablement le niveau du débat (qui par contre, n'en était pas vraiment un jusqu'ici j'en convient).
O
D'abord merci d'avoir lu et participé à ce blog, rares étant en effet les visiteurs intéressés venus de l'extérieur. A mon tour maintenant de replonger dans un article lointain retenant autant une domination divine que les dissensions sans fin des politiques (ici de gauche).<br /> <br /> Je répondrai par une chose toute simple. A mon sens, si l'on admet que Dieu ait édicté des principes moraux à l'Humanité, force est de constater que ses représentants en ont eu une interprétation propre et autre. A moins que cela ne soit la traduction exacte des préceptes divins. Et donc les hommes vivent inégaux, aussi bien avant que pendant et après le stade de la religion monothéiste d'État. <br /> <br /> Ou bien, ce qui se transforma en caste ne fit pas en sorte que la base comprenne les commandements venus d'en haut. Ou bien elle n'en avait pas l'envie, conservant son monopole. Du reste, je n'utiliserai pas le terme de totalitarisme (moderne et surtout polémique, souvent généralisé) inadapté à l'Antiquité ou au XIXème. <br /> <br /> L'Église maîtresse n'était en aucun cas un âge d'or moral. Ou alors une morale des puissants, et strictement réservée. Et puis, y'en a t-il eu beaucoup des périodes dites morales durant l'Histoire ?
M
Jehovah, ici vilipendé, fut le fondateur de la morale universelle.<br /> En faisant descendre toute l'humanité d'un seul homme et en posant comme principe de base qu'un Dieu unique avait créé l'homme à son image, la Bible a lancé dans l'univers un principe moral nouveau qui ne devait plus s'éteindre.<br /> Jusque là, seule la morale communautaire et donc totalitaire existait. Quand l'avènement des sciences firent décliner les croyances religieuses ce totalitarisme ne tarda pas à reparaitre. <br /> "On gouverne les hommes par les songes", disait Chateaubriand.
O
Pas de problèmes pour les paroles. En ce qui concerne Cuba et la chute de Batista, mes moyens sont plus limités que pour octobre 17. Enfin Ken Loach est un formidable réalisateur, dont la verve politique et l'engagement ne sont plus à démontrer, même si je n'ai vu que "Le vent se lève". En plus, il soutient Besancenot. Que demande le peuple ?
S
Juste quelques remarques sur des choses que tu sais probablement déjà mais hé! faut bien que je trouve des choses à dire!<br /> Tout d'abord, l' "Hommage à la Catalogne" d'Orwell a été indirectement adapté par Ken Loach dans son film "Land and Freedom", qui, sans reprendre la même trame narrative, parvient très clairement à traduire au cinéma les impressions du livre. D'ailleurs, son dernier chaf d'oeuvre "Le Vent se Lève" ressemble plus à une relecture "revue et complétée" des thèmes traités dans "Land and Freedom".<br /> <br /> Ensuite, l'une des chansons d'ANIKI, "Démiurge" (3ème Chanson du concert) reprends la pensée de Bakounine (tout en la couplant avec certains preceptes Romantiques) et le cite d'ailleurs ouvertement dans le dernier couplet, je te filerai les paroles si ca te dit.<br /> <br /> Concernant la révolution russe, pas grand chose à ajouter, sinon que tu as bien fait de signaler que le terme "Révolution", mais encore et surtout l'imagerie de la "foule déchainée dans la rue livrant une bataille sanglante", font aujourd'hui parti d'un imaginaire commun incroyablement inexact au regard de ce qu'il s'est vraiment passé les 24 et 25 octobre 1917... Même la prise de La Havanne fut peut-être plus rock'n'roll que le coup d'état bolchevique... (peut-être le coté cigares et cocotiers...)
Omsk, petit quidam ne faisant pas de vagues.
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité